Domtar met son énergie à profit

Oser revoir son approche énergétique pour rester compétitive

Objectif : Réduire ses coûts de fonctionnement en adoptant une approche énergétique qui combine thermopompes et récupération de chaleur.

L’usine Domtar fait partie du paysage de Clermont, dans Charlevoix, depuis près de 100 ans. Chaque jour, elle produit 600 tonnes de papier journal à partir de pâte thermomécanique (PTM), notamment un papier léger, prisé en Europe, qui la distingue dans l’industrie. L’entreprise a compris que, pour durer, il faut oser. Une ligne de conduite qui l’a bien servie dans sa recherche de stratégies durables pour réduire ses coûts et rester compétitive. C’est dans une source inattendue – les rejets thermiques issus de ses procédés – qu’elle a trouvé une solution. Avec l’appui d’Hydro‑Québec, elle a repensé son approche énergétique.

Rien ne se perd, tout se transforme

Pour produire du papier journal, l’usine de Domtar utilise un procédé qui requiert de la vapeur et qui consomme beaucoup d’énergie. Cette consommation entraîne inévitablement des coûts importants. « Pour une usine comme la nôtre, l’énergie représente une part majeure des dépenses, explique Stéphane Gadbois, directeur de l’usine. Le vrai défi, c’est donc d’arriver à produire avec moins d’énergie. »

Mais comment ? Le déclic s’est fait lorsque Mario Girard, nouvellement en poste à titre de surintendant – Énergie, projets et ingénierie, a remarqué que des nuages de vapeur s’échappaient des caniveaux au sous-sol.

« Si on voit de la vapeur, c’est qu’il y a de l’énergie que l’on pourrait peut-être récupérer », a-t-il pensé. Un constat qui a marqué le début d’une transformation majeure.

Cette expertise, Mario et son équipe l’ont trouvée auprès d’Hydro‑Québec. Ensemble, ils ont exploré les programmes offrant les appuis financiers les plus avantageux et ont bonifié le projet initial. « Le projet ainsi enrichi cadrait parfaitement avec l’Offre sur mesure du programme Solutions efficaces », précise Lyne Gauvin, déléguée commerciale à Hydro‑Québec.

Une approche innovante : thermopompes et échangeurs de chaleur

La vapeur nécessaire à la production du papier provient d’un générateur de vapeur pour la PTM, d’une chaudière à biomasse et de deux chaudières électriques de 28 MW chacune. Le but ? Réduire l’utilisation de vapeur pour diminuer la consommation des deux chaudières électriques.

La solution retenue a été aussi simple que brillante : récupérer l’énergie des rejets thermiques au moyen d’échangeurs de chaleur et de deux thermopompes eau-eau intégrées directement dans le procédé. Les thermopompes ont remplacé les anciens refroidisseurs. Elles captent l’énergie contenue dans la boucle de refroidissement et la réinjectent dans le circuit d’eau chaude de la machine à papier.

« C’est une façon intelligente de maximiser l’énergie que l’usine possède déjà, précise Bernard Bégin, ingénieur commercial à Hydro‑Québec. On recourt aux thermopompes depuis longtemps dans bien des usines, mais leur utilisation dans le procédé de fabrication est une première dans l’industrie papetière québécoise. Nous étions confiants, mais, puisqu’il n’existait aucune référence, il fallait accepter un certain degré d’incertitude quant à leur efficacité dans ce contexte précis. Domtar a osé se lancer. »

Économies majeures et réduction des coûts

L’audace de l’entreprise s’est révélée payante : l’appel de puissance de l’usine a été réduit de 4 à 5 MW en hiver, ce qui représente des économies annuelles d’électricité de 15 millions de kilowattheures, soit l’équivalent de la consommation annuelle de 880 ménages. La solution a aussi permis de réduire l’utilisation d’eau fraîche d’environ 12 % en hiver.

Mais il y a plus. À long terme, les gains financiers pour l’entreprise sont impressionnants : 800 000 $ d’économies récurrentes par année.

L’appui financier d’Hydro‑Québec, à hauteur de trois millions de dollars, a été déterminant pour concrétiser ce projet ambitieux. « Sans cet appui financier, ce projet n’aurait pas pu se réaliser, affirme Mario Girard. En couvrant 75 % des coûts, cet appui nous permet de rentabiliser l’investissement en moins de 15 mois. Sans compter que nous pouvons reproduire le même modèle dans d’autres usines du groupe Domtar. »

Une collaboration structurante avec Hydro‑Québec

En mettant Hydro‑Québec dans le coup dès le début de sa réflexion, l’entreprise a obtenu plus qu’un appui financier. Elle a reçu un accompagnement personnalisé et des conseils avisés. Par exemple, comme spécialiste des pâtes et papiers, Bernard Bégin en connaît tout un chapitre sur les bonnes pratiques de gestion énergétique dans des usines comme celles de Clermont. C’est lui qui a incité l’équipe de l’usine à réaliser une analyse selon la méthode du pincement pour répertorier les éléments sources et consommateurs de chaleur. Pour ce faire, l’équipe a sollicité l’aide de FP Innovations, un groupe de recherche et développement spécialisé dans le secteur des pâtes et papiers.

Bernard a aussi dirigé Mario et son équipe vers CanmetÉNERGIE, où ils ont trouvé de nombreuses ressources gratuites, comme le logiciel d’analyse multivariée de données EXPLORE, le logiciel de modélisation COGEN et celui d’optimisation de la récupération de chaleur dans les usines INTEGRATION, ainsi que la formation pour les utiliser.

Il les a aussi encouragés à suivre la formation Professionnel certifié en mesurage et vérification (CMVP) afin qu’ils puissent établir une stratégie basée sur les pratiques reconnues pour mesurer les économies réalisées à la suite du projet, une recommandation qu’ils ont suivie.

L’entreprise a recruté deux ingénieurs, qui demeurent en poste et qui travaillent aujourd’hui sur d’autres projets. Pour concevoir les schémas de procédés, elle a fait appel à CSM Industrie inc., une entreprise spécialisée fondée par des ingénieurs retraités de l’usine, encourageant ainsi l’expertise dans sa communauté.

« Ce qui rend ce projet exceptionnel, c’est qu’il a été réalisé localement, en équipe, par les gens de l’usine – des personnes convaincues et fières de ce qu’elles accomplissent, souligne Bernard. Comme spécialiste des pâtes et papiers, je collabore avec le groupe Domtar et l’usine de Clermont depuis plus de 15 ans. Participer dès le départ à un projet aussi innovant et complexe, qui touche tout le système de chaleur de l’usine, a été une expérience vraiment stimulante. L’ouverture, le travail d’équipe, le partage d’information, la disponibilité de l’équipe et l’appui de la direction ont sans contredit contribué à en faire un succès. »